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Magie et désenchantement

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Magie et désenchantement dans Jeux de mots didjeridoo

didjeridoo.jpg Voici un texte né des consignes données lors du dernier atelier d’écriture. Je n’ai malheureusement pas pu y participer, mais Floriane a eu la gentillesse de me les faire parvenir par mail. En rouge: la phrase et les mots obligatoires. Vous pouvez aussi lire le post d’Erma en date du 5 juillet (intitulé l’orée du monde), pour une autre version.

Il y a très longtemps, au temps du rêve, vivaient quatre sœurs qui possédaient un trésor unique envié de tous : un didjeridoo ayant la particularité de produire de lui-même un son mélodieux et envoûtant. Les jours de vent, il suffisait de le poser au sol et il se mettait à jouer, attirant autour de lui tous les habitants du village. Cet instrument avait été transmis aux sœurs lors d’une cérémonie familiale au cours de laquelle on leur avait bien expliqué la valeur de l’objet, et l’importance de toujours le préserver de l’envie et de la convoitise qu’il avait toujours suscité. Nul ne savait exactement depuis combien de temps il était entré dans la famille, mais tout le monde supposait que cela faisait des générations et des générations. Et après tout ce temps, il était devenu un véritable objet sacré. Beaucoup dans le village rêvaient de le posséder, mais nul n’osait le toucher de peur de s’attirer les foudres divines. Quant au mystère qui entourait ce didjeridoo, cet instrument magique, il avait fait naître les rumeurs les plus folles. Certains disaient qu’il existait depuis les origines du monde, qu’il avait été fabriqué par Dieu en personne. D’autres prétendaient qu’une des ancêtres des quatre sœurs était tombée amoureuse d’un chamane, et que cet instrument était un cadeau de sa part, sensé protéger la famille de son aimée jusqu’à la fin des temps. D’autres encore, les plus jaloux sans doute, disaient que cet objet devait protéger le village tout entier et n’avait jamais été conçu pour être détenu par une seule famille. Ils affirmaient que si les quatre femmes le gardaient pour elles seules, elles le cacheraient et il finirait par tomber dans l’oubli. Eux voulaient qu’il remplace le totem installé au centre du village, qu’il soit l’étendard de leur peuple. Mais les sages avaient décidé que c’était trop dangereux de le laisser ainsi exposé à la vue de tous en permanence.

Et ils n’avaient pas tort. Une année, lors de la grande cérémonie du solstice d’été, un intrus venu d’un village voisin avait essayé de dérober le didjeridoo. Depuis, il était constamment surveillé, jour et nuit. Chacun se relayait pour assurer sa protection. Seuls étaient exclus de ces tours de garde les jeunes enfants et les personnes très âgées. Mais les sœurs, tout en étant très fières de posséder ce trésor, le trouvaient également très pesant. Elles disaient en plaisantant qu’il était comme un boomerang dont on ne peut se débarrasser puisqu’il revient toujours vers celui qui l’a lancé. Et pourtant le cœur n’était pas toujours à la plaisanterie. Ainsi Naïna, l’aînée, qui n’avait pu épouser l’homme qu’elle aimait, était souvent triste et paraissait bien seule. L’homme en question habitait dans un village lointain, et il s’était un jour égaré dans les bois alentours alors qu’il était à la recherche de gibier. La famine sévissait dans son propre village, et il s’était aventuré plus loin que de coutume pour essayer de trouver de la nourriture. Ce sont les enfants qui avaient donné l’alerte. Ils venaient de trouver, aux détours de leurs jeux, un homme inanimé au bord de la rivière. Les villageois l’avaient recueilli, hébergé et nourri. Le temps pour lui de reprendre des forces… et de tomber amoureux de Naïna. Ces quelques semaines furent merveilleuses pour tous les deux, et le déchirement fut terrible le jour de la séparation venu. Car il était reparti seul, après l’avoir vainement supplié de venir vivre avec lui. Mais la jeune fille ne pouvait le suivre ; elle était la gardienne d’un trésor qui ne pouvait quitter le village. Alors il était parti fâché, et c’est sans doute ce qui continuait de lui briser le cœur, des années après. Car la règle était très stricte : elle ne devait en aucun cas parler de l’objet à un étranger. Et en respectant cette consigne, elle avait vu son bonheur s’éloigner. Sans pouvoir lui expliquer. Sans pouvoir lui dire que son choix n’en était pas un.

Puis ce fut au tour d’Oria de vivre semblable mésaventure. Et pourtant, c’est bien d’un garçon du village qu’elle était tombée amoureuse. Lui aussi partageait ces sentiments, c’était évident. Il suffisait de les voir se regarder. Et pourtant, par crainte du pouvoir de l’objet magique, il osait à peine lui parler, à peine l’approcher. Car nombreux étaient les hommes qui pensaient que les quatre sœurs étaient elles-mêmes dotées de pouvoirs magiques. Ils pensaient qu’ils ne pourraient être maîtres chez eux avec de telles épouses. Comment pouvaient-ils être aussi stupides ! Aucune femme de la famille n’avait jusqu’alors eu de mal à trouver un époux, bien au contraire ! Les prétendants avaient toujours été nombreux. Mais les temps avaient changé. Plusieurs catastrophes étaient survenues en quelques années, et avec elles la peur s’était insidieusement installée. La peur de toute manifestation de colère divine. Alors Naïna et Oria semblaient condamnées à vivre leur vie seules, ce qui les plongeait dans une grande mélancolie. Les deux plus jeunes étaient encore trop petites pour avoir conscience que ce cadeau merveilleux qu’on leur avait fait était en réalité empoisonné. Mais la prise de conscience viendrait, et avec elle la tristesse et la douleur. Alors Naïna en était arrivée à détester le didjeridoo, à souhaiter sa disparition. Elle avait bien pensé à le détruire, mais avait trop peur d’être damnée, en même temps que tout le village, pour un tel sacrilège. Elle s’était fait une raison pour elle-même, mais ne pouvait se résoudre à voir ses sœurs condamnées à une vie de solitude. Si des dieux avaient forgé cet instrument, comment pouvaient-ils être aussi cruels ? N’y avait-il personne au monde pour les aider à porter ce fardeau ? Personne pour considérer que le fait de les épouser était un honneur et non une malédiction ? Chaque soir avant de s’endormir, Naïna priait longtemps, demandant que quelqu’un survienne ou que quelque chose se produise, et lui apporte enfin la solution.

Crédit photo : www.salubriousproductions.com


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